Paris-Brest-Paris 2015

Prologue : 

 

Paris-Brest-paris reste l’épreuve randonneur longue distance la plus fréquentée au monde avec plus de 6.000 participants à vélo, tandem ou vélos spéciaux venus de plus de 65 pays différents. Elle a lieu tous les 4 ans et des brevets randonneurs mondiaux qualificatifs sont nécessaires pour pouvoir y participer (200km, 300km, 400km et 600km).

 

Paris-Brest-Paris 2015 couvre une distance de 1234,5km pour une dénivellation positive de 11.974m. Certains trouveront cela raisonnable en terme de dénivelé, mais le chiffre est trompeur car les côtes excèdent rarement 6% de pente et sont donc assez courtes mais fréquentes. Ceci donne à cette randonnée vallonée une difficulté toute relative due aux changements de rythme incessants entre les différentes bosses.

 

Fort de mes 11.000km accumulés, je suis serein et ne me pose pas beaucoup de question avant le départ, bien que je sache que rien n’est acquit à l’avance et que tout peut arriver.

 

 

L'épreuve :

 

Nous étions donc 3 Cyclos Emptinnois, membres du Team de Lux, à prendre le départ pour cette formidable aventure (Duch, Mig et Bugs), accompagnés de notre ami TDL Alain Nizette et de nos compagnons des brevets qualificatifs, Matteo Ponchione et Stéphane Maitrejean. Bernard Stouffe qui a fait quelques brevets avec nous et une diagonale de Belgique avec moi sera également sur la ligne de départ avec nous.

Nous avions décidé de nous y rendre ensemble, mais de rouler chacun à sa sauce, car les coups de fatigue se manifestent très souvent à des moments différents. Les 4 Team de Lux et Bernard sont sur le départ de 17:00 alors que les autres sont sur celui de 18:15.

Nous n’avions pas non plus les mêmes objectifs car pour certains, il suffisait de boucler le challenge dans les temps impartis, soit 80 heures en ce qui nous concerne. Pour d’autres, l’objectif était de faire un meilleur temps que les versions précédentes.

 

L’attente est longue avant le départ et on scrute les autres participants avec leurs machines. Miguel me fait remarqué qu’un gars ressemble à Richard qui a fait le trirhéna 2014 avec nous. C’est effectivement lui. C’est dingue, mais sur ce genre d’épreuve, on rencontre forcément d’autres cyclos avec qui on a déjà roulé.

Nous sommes donc partis du Vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines à 17:00 dans un groupe d’approximativement 400 cyclos. Le départ est dangereux car on suit une voiture qui roule vite plus décélère. On doit donc faire attention à freiner au bon moment et puis vite relancer pour ne pas être coupé des autres. Certains fous prennent les rond-points par la gauche, c’est carrément du ’importe quoi. Bref, après une vingtaine de kilomètres,  ça démarre très vite devant. Du coup, Duch, Mig et moi, nous suivons le groupe 1 à toute vitesse. Ca va tellement vite que je n’arrive pas à tenir le groupe dans les bosses. Je joue une première fois la tirette et reviens avec des Italiens, puis une seconde fois avec Mig alors que Duch est resté bien dans le groupe. Mig et moi, on décroche et nous décidons de se refaire une petite santé. Pour le coup, nous gardons un bon coup de pédale mais avec moins de relance. On rattrape donc assez rapidement d’autres cyclos qui ont décroché plus tard que nous. Ils se mettrons dans nos roues et nous arrivons au 1er ravitaillement de Mortagne-Au-Perche avec 9 minutes de retard sur Duch qui avait finalement aussi lâché le groupe. 

 

Nous avons à ce moment 31,4 km/hr de moyenne sur les 139 premiers kilomètres. Il est 21:30, on s’équipe en vitesse pour la nuit et on remplit nos gourdes. Nous ne tardons pas et roulons avec des Espagnols devant nous qui tirent bien le groupe. Nous n’hésitons pas à prendre les relais qu’il faut sur les parties plates et en descente et rejoignons le premier contrôle de Vilaines-La-Juhel, 80 km plus loin. Nous gardons une très bonne moyenne (28,8km/hr depuis le début) et décidons de repartir sans tarder après avoir rempli les gourdes, il est 00:40. 

 

La suite de la nuit sera un peu plus calme mais toujours avec un excellent tempo et nous restons unis avec une vingtaine d’autres cyclos. Nous atteignons donc Fougères, la porte de la Bretagne à 4 heures 05 du matin. 310km de bouclé en 11 heures, nous sommes bien au-delà de nos espérances avec toujours une moyenne de déplacement correcte. Nous décidons de manger chaud et discutons le coup. Miguel a l’occasion de faire un beau temps pour sa quatrième participation et décide de mettre ses prolongateurs pour continuer à ce rythme. Duch et moi, préférons repartir plus cool et ne l’attendons pas car on se rend compte qu’on a déjà grillé quelques cartouches.

 

Nous reprenons donc, Duch et moi, à un rythme moins soutenu mais toujours une bonne moyenne et rejoignons le point de contrôle de Tinténiac (364km) à 07:15. On pointe, n’y reste pas et nous reprenons notre chemin.

 

Nous sommes en Bretagne, mais les paysages ne sont pas si bucoliques que je ne l’avais espéré.

 

Nous nous arrêtons à Quédillac (388km) pour prendre un chocolat chaud et un sandwich. Le parcours devient de plus en plus bosselé et nous sentons que les arrêts vont devenir de plus en plus fréquents si on veut rester dans le coup.

 

Le 4ème contrôle sera Loudéac (449km) que nous atteignons difficilement à 11:30. On croise Mig qui repart déjà, il n’a pas l’air fatigué. Duch a très mal à la voute plantaire et a une contracture au niveau de la cuisse. On décide de s’y arrêter plus longtemps, pour bien manger et pour se soigner. Il va même chez le kiné du centre. Du coup juste avant de repartir, on a l’occasion de revoir Alain qui était resté derrière, ainsi que Matteo et Stef partis une heure plus tard que nous. Je prends des nouvelles de notre ami Bernard Stouffe mais malheureusement, il n’arrive plus à marcher ni à pédaler. Une tendinite du genou a eu raison de lui et il est contraint à l’abandon.

 

C’est donc fortement amoindri que Duch repart avec moi en direction de Carhaix. Le parcours devient de plus en plus difficile, avec un vent de face, des bosses et des grands routes empruntées par des poids lourds. Nous arrivons à un contrôle secret à St-Nicolas-du-Pelem (500km) à 15:00, mangeons une soupe puis repartons.

 

Le dénivelé augmente au fur et à mesure de la journée et c’est à coup de relances que nous arrivons à rejoindre un petit groupe avec quelques Italiens et Français. Malheureusement, ils roulent vachement moins vite que nous. Nous décidons donc de garder notre vitesse de croisière et de continuer à deux. Le parcours est difficile et toutes les petites blessures apparaissent une par une et à un moment, mes lombaires se contractent. Plus moyen d’avancer … Je dois me coucher sur le bas-côté de la route et faire des assouplissements pour pouvoir reprendre la route. Nous atteignons Carhaix (703km) à 16:40. On y boit et mange puis repartons pour Brest. Nous pensons que nous arriverons au coucher du soleil mais un regain de forme nous permet de passer les bosses avec plus d’engouement. Après 20km de montées vers le Roc Trévezel, nous descendons vers Brest et croisons les premiers qui reviennent déjà. Nous filons alors qu’eux, ils font presque du surplace. Ca nous a mis un fameux coup au moral, car nous savions que nous devrions passer par là tout à l’heure.

 

Nous arrivons donc le long de la mer à Plougastel et pensons que nous y sommes mais il reste encore une énorme côte qui remonte toute la ville de Brest et nous atteignons le point de contrôle de Brest (618km) à 20:47. Bernard, un copain de Duch, nous y attend avec des pâtes. Miguel est déjà reparti. Il file comme une fusée. Duch a très mal au pied et décide d’aller trouver le médecin. C’est la fin pour lui, il ne repartira pas : son pied a gonflé comme un pamplemousse et le médecin l’interdit de reprendre la route. Je me retrouve donc bien seul et pensais à la base pouvoir repartir avec Mig arrivé 1 heure plus tôt. Je ne suis pas si fatigué mais ne veux pas risquer de me retrouver seul sur la route de nuit et décide donc d’attendre qu’Alain et les autres arrivent. Je prends donc une bonne douche et prend un lit au dortoir.

 

Alain, Matteo et Stef dormiront aussi sur place, avec Laurent Tesch. Nous nous mettons donc rendez-vous à 3 heures du matin pour déjeuner au restaurant. j’ai donc la chance de dormir 5 heures, car avec ma moyenne inespérée de 27,2km/h. J’ai gagné beaucoup de temps par rapport à mes prévisions en atteignant Brest en 27 heures 45.

 

Nous reprenons donc la route en sens inverse, le mardi matin à 4 heures 30. Cette journée sera plus calme au niveau de la vitesse. Nous ne forçons pas de trop dans les montées et gardons un bon rythme sur le plat et les descentes. Laurent Tesch qui a également fait les brevets Tdl roule avec nous et est clairement plus fort dans les côtes. On parcourra ensemble les 307km qui séparent Brest de Fougères. Sur ce tronçon, je sens bien qu’avec mes 2 heures de sommeil en plus que les autres, j’ai moins dur. Je me sens même bien mieux que la fin du jour précédent mis-à-part les blessures de selle qui font leurs apparitions. J’aurai la chance de rencontrer quelques potes français qui avaient également participé au Trirhéna en 2014 : Florian, Dominique et Cricri. C’est ça aussi Paris-Brest-Paris : la rencontre entre gens qui ont la même passion. Et lorsqu’on parle sur la route, tout passe beaucoup plus vite.

 

Miguel étant parti comme une fusée et n’ayant pas dormi, s’est retrouvé à Fougères à 12:30, mais complètement grillé. Conscient qu’il ne parviendrait pas à amélioreront temps, il décida de rester sur place pour nous attendre et terminer la route ensemble.

Nous ne rejoignons Fougères qu’à 21:40. Nous y mangeons un bon repas et prenons donc une place dans un dortoir pour un départ à 3 heures du matin. Ce dortoir est bien moins confortable que le précédent. Nous dormons sur des tapis de gym et l’un pratiquement derrière l’autre. Je n’ai malheureusement pas la chance d’avoir une personne respectueuse à ma tête et elle me fera c… toute la durée du repos : lampes, couverture et chaussettes dans la tronche, utilisation du GSM, etc. Bref je repars donc avec beaucoup moins de fraîcheur que le jour avant et je l’ai ressenti durant toute cette dernière journée.

 

Sur la première partie, je garde tout de même une belle allure dans les côtes et reste devant alors que Miguel file comme un bolide dans les descentes et sur le plat. Puis, j’ai vraiment un gros coup de barre et Mig n’aura plus beaucoup de relais. Nous essayons tant bien que mal à l’accrocher, mais Il est trop fort pour nous. Ca casse à chaque gros coup de pédale et moins en premier. Mig se met alors à notre diapason et réduit la vitesse. Comme une locomotive, il nous emmènera comme des wagons à bon port sur les points de contrôle de Vilaines-La-Juhel puis de Mortagne-au-Perche. Nous y mangeons et je m’octroierai une bonne bière avec Alain et Cricri du Team Ventoux que l’on avait dépassé.

 

Il ne reste que 140 kilomètres, mais tout devient très difficile pour moi. Je ronchonne dans ma tête sans qu’un son ne sorte de ma bouche : mes poignets me font mal, l’auriculaire et l’annulaire des deux mains sont endormis, mes genoux n’en veulent plus, mes chevilles non plus et je me force à rester sur ma selle pour ne pas décoller mes fesses qui sont à sang depuis quelques centaines de kilomètre. Personne ne dit rien sur ses douleurs, mais on voit bien que tout le monde à quelque chose. Un Australien qui roulait avec nous a même dû abandonner car les muscles de sa nuque ont lâché.

 

Alain me propose de faire un arrêt avant le contrôle et j’accepte du bout des lèvres pour prendre un ravitaillement de fortune auprès des habitants. Nous nous arrêtons donc une nouvelle fois pour boire une soupe, du café et tout ce qu’il y a. On papote avec des Bulgares qui s’étaient joints à nous et avec un Polonais qui a déjà de l’expérience dans le domaine des longues distances.

 

Nous reprenons notre route et dépassons tout le monde sur notre passage avec Mig la loco devant. C’est donc en peloton d’une cinquantaine de cyclos que nous atteignons le dernier point de contrôle, Dreux (1165km) à 16:00. Il ne reste plus QUE 65km, pratiquement que du plat !!! On mange une bonne pâtisserie sur place et on repart pour la dernière ligne droite.

 

Après une heure de route, Miguel est toujours à l’avant et le peloton se forme derrière lui comme un Roi qui enrôle ses compagnons vers la conquête du Graal. Nous arrivons alors à Gambai et c’est parti pour une course effrénée. On passe la bosse de Gambaiseuil à toute vitesse et on remet une couche. Plus de douleur nul part, il reste 22 km, Alain passe devant, les Bulgares descendent une dent et Matteo aussi. Les motards se positionnent devant nous comme des Fangio et arrêtent les camions et autres véhicules qui nous gênent. C’est l’euphorie, on roule à une vitesse entre 35 et 40 heures en plein Paris en brûlant les feux rouges avec les motards devant. Une voiture de Police nous croisent, les motards s’arrêtent au feu suivant et les Bulgares ne comprennent pas. Je leur explique qu’on n’a pas le droit de passer, que nos motards ne font pas partie de la Police. Voilà comment on peut avoir un accident me dis-je … Nous rentrons dans le Parc du Golfe de Saint-Quentin à toute vitesse, les motards passent les barrières, Matteo et les deux Bulgares aussi alors qu’elle se referme juste devant moi. Un gros coup de frein, plus de gomme aux pneus. J’ai évité la grosse chute in extremis. Du coup, on calme le jeu et nous arrivons finalement à 7 sur la ligne d’arrivée à 19:14. Alain, Mig, Bugs, Matteo, Stef et les 2 Bulgares.

 

Duch, Florence l’épouse de Matteo et Christine, l’épouse d’Alain nous attendent sur place. L’émotion est trop forte, on se prend tous dans les bras et des larmes coulent le long de nos joues roussies par le soleil.

 

Vous l’aurez compris, le bonheur de l’arrivée est indescriptible. On retournera tout de même à vélo pour 4km vers notre appartement où nous avons laissé la voiture et profiterons d’un bon gueuleton comme la fin des aventures des vrais Gaulois.

 

De nouveaux objectifs pointent déjà à l’horizon … 2016; 2017 …. On arrive !!!

 

Epilogue : Les chiffres et les remerciements

 

Météo : 3 jours de soleil,sans pluie avec de légères brumes froides en début de matinée.

Distance : 1235km

Dénivelé : 11.974m

Vitesse de déplacement : 26,07km/h

Temps de déplacement : 47 heures 21 minutes 19 secondes

Temps écoulé : 74 heures 12 minutes 50 secondes

Calories brûlées : 81.776

Nombre de mouvement du pédalier : 174.216 Tours

 

Je remercie mon épouse et mes enfants qui me permettent de vivre ces moments magiques.

Je remercie également, mes amis, tous les Cyclos Emptinnois et membres du Team de Lux qui nous ont suivis, encouragés et conseillés pendant ce périple.

Special thanks to Cycles Bodart et Guy Mathy pour la préparation de ma machine.

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